Interview de Dominique du Paty, fondatrice d’Handiréseau accompagnée d’Anne Montgermont et de Noémie Pinchaud éthologues chez Handireseau et Reseau H.
Dominique du Paty, votre cabinet utilise l’éthologie moderne, ou étude du comportement, depuis déjà un moment pour accompagner les personnes en situation de handicap ou fragilisées. Vous avez récemment ajouté une nouvelle expertise à vos prestations avec la création de Réseau H.
En effet, c’est le résultat d’une rencontre avec une éthologue humaine Anne Montgermont qui depuis est devenue notre associée. Le tournant qu’a pris l’entreprise a été déterminant : le comportement devient un sujet incontournable pour les entreprises. Avec l’éthologie, nous sommes au cœur des besoins de nos clients.
Anne Montgermont, pouvez-vous nous en dire plus ?
En découvrant l’éthologie moderne il y a 15 ans, j’ai adhéré à cette vision scientifique qui défiait les clivages classiques entre les sciences humaines. C’est une science opérationnelle permettant de prendre en compte les enjeux psychologiques, sociologiques ou biologiques derrière chaque situation rencontrée et de les mettre en perspective avec la réalité quotidienne de notre vie en société.
L’éthologie moderne est la science qui permet de comprendre un comportement et plus précisément une réaction comportementale grâce à une analyse fine des situations. Lorsqu’un éthologue intervient, il sait qu’il a une heure pour décrypter tous les indices invisibles permettant d’expliquer une situation ou un comportement. Lorsque l’on comprend nos réactions ainsi que nos façons d’interpréter la réalité, on sort de notre fonctionnement « automatique » et on apprend à communiquer vraiment. C’est ce qui fait toute la force de l’éthologie. C’est un enjeu majeur pour une entreprise aujourd’hui qui doit faire fonctionner ensemble des individus qui ne se comprennent pas toujours et dont les objectifs peuvent être différents.
Nous vivons des moments inhabituels, en quoi l’étude du comportement peut-elle nous aider ?
L’éthologie est la science du changement, du « comment s’adapter même dans les situations les plus inédites ». Elle nous outille d’un manuel pratico-pratique pour comprendre le fonctionnement de notre cerveau et les messages qu’il nous envoie. Elle regorge de conseils simples pour nous permettre d’utiliser au mieux toutes nos capacités d’adaptation. On observe que durant cette période, certaines personnes vivent avec beaucoup de soulagement, ce qui sous-entend quelque chose de fort dans leur sur-adaptation quotidienne, et d’autres à l’extrême inverse, la vivent avec un stress intense car ils ont du mal à trouver des repères. Chacune de ces situations éclaire sur l’importance d’un travail comportemental pour apprendre à se comprendre et à retrouver un rapport sain avec son emploi par exemple. Les racines des burn-out ou des risques psycho-sociaux se cachent derrière ces fonctionnements.
Je donne souvent comme conseils pour mieux vivre ce confinement de conserver des règles : des horaires fixes : réveil, coucher, repas, de délimiter les heures de travail pour se garder du temps pour soi et autant que possible de travailler dans un endroit calme. Il me semble également essentiel de limiter la télévision car notre cerveau retient prioritairement les images surtout si elles sont « dures ». Nous sommes prévus pour survivre donc si un danger est interprété, notre cerveau va retenir l’image et va élaborer des scénarii catastrophes. Aujourd’hui, nous vivons une situation sanitaire difficile face à un virus que nous ne pouvons combattre physiquement, notre seule arme est donc d’appliquer les gestes barrières et de nous concentrer sur nous.
Noémie Pinchaud est une collaboratrice éthologue également, passionnée par l’apport des sociétés animales pour nous permettre de réfléchir sur le monde de l’après.
Noémie Pinchaud, vous avez étudié le comportement des animaux et leur similitude dans certaines situations avec le comportement de l’Homme. Qu’en pensez-vous ?
Depuis toujours, les animaux ont fait face à des situations nécessitant une adaptation de territoire ou d’alimentation. Et ce qu’ils ont mis en place peut vraiment nous amener à réfléchir surtout lorsque l’on se pense réfractaire au changement. Par exemple, les poules sont capables de s’adapter à un nouvel environnement en très peu de temps. Elles sont capables d’apprendre de nouveaux gestes pour trouver de la nourriture en voyant un congénère faire même à travers un écran. Un nouveau geste se propage dans un groupe en un temps record. C’est une anecdote évidemment mais je trouve qu’en ce moment, avec la généralisation du travail via un écran, ce genre d’exemples nous fait du bien et illustre les bienfaits des formations à distance.
Il y a dans le monde animal un consensus sur le fait qu’il n’y a pas une intelligence qui prime sur les autres, mais plutôt différents types d’intelligence, qui permettent à chaque individu d’évoluer dans son environnement. Il y aura de nouvelles pratiques au sein des entreprises à l’issue de ce confinement et je suis curieuse de voir celles qui seront maintenues sur le long terme.
Pour en savoir plus sur l’éthologie ou étude du comportement, retrouvez-nous sur YouTube et sur notre site.
En photo : Dominique du Paty, fondatrice d’Handiréseau.